Un peu d’histoire

Dans le centre historique, à un jet de pierre du Palais des Papes à Avignon, la chapelle Sainte Catherine. Le Chêne Noir – compagnie Gérard Gelas s’y installe en 1971.
Se dotant d’un lieu, Gérard Gelas le dédie totalement à la création théâtrale et à la musique et en fait un lieu ouvert, d’échanges et de rencontres entre artistes et spectateurs. Chapelle désaffectée, mais splendide, les membres de la compagnie l’aménageront au fil des années. Cela représente beaucoup de travail et beaucoup d’amour, pour un lieu qui en vaut la peine. D’abord la grande salle, baptisée dans un premier temps Antonin Artaud. Elle prendra le nom de Léo Ferré en 1993 en hommage à l’ami et à l’immense poète. En 1985, sous la chape du premier niveau, se met en place la petite salle baptisée : John Coltrane. Le troisième espace est ouvert en 1995 pour la création de Ode à Canto, et devient : la cour Antonin Artaud, en prolongement de la petite salle.

Pour celles et ceux qui aiment l’histoire...

Peu de gens savent que dans la Chapelle Sainte Catherine, théâtre de tant de spectacles, reposent trois cardinaux et Zoen Tencarari, évêque d’Avignon et vice-légat du pape qui avait transformé cet hôpital privé en cloître de religieuses. Les offices y étaient célébrés sous l’abside ogivale, l’acoustique y est remarquable. Comédiens, musiciens et public ne cessent de le dire tant ils s’y sentent bien. Un lieu sacré ! ?
Dans une salle latérale de 100 m2 en forme de bonnet de cardinal et à l’acoustique particulière, les lépreux se confessent. La passerelle, la grue et la poulie que l’on voit encore au dessus de la chapelle servaient à monter des ballots de chardon que stockaient au XIXe les riches négociants, dont un ancien maire, M. Poncet. Parmi les visiteurs illustres du lieu, on compte Louis XIV venu passer en compagnie de sa mère un week-end pascal, et Napoléon III. Enfin, hasard objectif, la cour Antonin Artaud est construite sur une des deux nécropoles mérovingienne de la ville. De quoi réjouir Antonin Artaud qui voulait faire jouer les spectacles dans les cimetières.

Depuis 1971 à Aujourd’hui

L’entrée publique, au 8 bis de la rue Ste Catherine, a une devanture qui témoigne de son activité. Ici, la lumière continue de brûler sous sa forme la plus humble : une servante allumée été comme hiver. C’est un théâtre des quatre saisons, ouvert toute l’année avec un court répit en août après le festival. Beaucoup de temps forts. L’effervescence de l’été, le lancement de la saison à l’automne. Les spectacles, les créations, les ateliers, les conférences en alternance. Le Chêne Noir est un lieu habité par trois décennies de créations. Il peut témoigner du chemin parcouru. Il connaît les embûches. Les racines ont autant d’envergures que ses branches.
Dès son ouverture, Gérard Gelas a donné au Théâtre du Chêne Noir une philosophie : offrir au public : « ce que les Hommes portent en eux : des histoires parlant de spiritualité, de rêves, de tragédie, de comédie… »
Aussi, il accueille régulièrement dans ce lieu magique, point fort de l’activité culturelle d’Avignon et de sa région, hiver comme été, les plus grands noms de la scène française :

Daniel Auteuil, Philippe Avron, Fernando Arrabal, Slimann Benaïssa, Richard Bohringer, Gildas Bourdet, Philippe Caubère, Jean-Pierre Chabrol, Pierre Clémenti, Le Cuarteto Cedron, Don Cherry, Manu Di Bango, Roland Dubillard, Princess Erika, Fellag, Paco Ibanez, Angelica Ionatos, Bernadette Laffont, Denis Lavant, Magma, Judith Magre, Marcel Maréchal, Daniel Mesguich, Rufus, Pierre Santini, Laurent Terzieff, Jean-Louis Trintignant, Christian Vander et Magma, Jacques Weber, Léo Ferré qui fut l’intime et le fidèle, Yann Tiersen, Ariane Ascaride, Louis Chedid, Daniel Benoin, Myriam Boyer, Françoise Chatôt, le Workshop de Lyon, François Berleand, Robin Renucci, Christian Schiaretti, Didier Besace et bien d’autres….ainsi que de nombreuses compagnies de création françaises et étrangères.

Julien Gelas

Auteur, metteur en scène et compositeur, diplômé en philosophie esthétique et en études chinoises de l’Université d’Aix-Marseille, Julien Gelas est directeur du Théâtre du Chêne Noir depuis septembre 2020. 

En théâtre, il est l’auteur de Station LibertéLe dernier homme, Le rêve de Spinoza, Le Petit Chaperon Rouge, Le jeu du président, La Belle et la Bête. Les textes de ses pièces sont édités aux éditions Les Cygnes.

Comme metteur en scène : Lettres à un ami allemand, d’Albert Camus, Le Horla de Maupassant, Un tramway nommé désir, de Tennessee Williams, Le dernier homme, Le Petit Chaperon Rouge, Station Liberté, La Belle et la Bête, One piano show Mozart.     

Au piano Julien Gelas est l’auteur de deux albums : L’éclaircie, Un amour de Blum. Il compose les musiques pour La délicatesse de David Foenkinos et la pièce chinoise Le Serpent Blanc.

Il a traduit du chinois deux pièces de théâtre du prix Nobel de littérature Gao Xingjian : La FuiteL’Arrêt de Bus, parues aux éditions Lansman .

Julien Gelas, Directeur du Theatre du Chêne Noir

Gérard Gelas

Auteur dramatique et metteur en scène français, Gérard Gelas a créé et dirigé le Théâtre du Chêne Noir jusqu’en 2020.

Gérard Gelas vient tout enfant habiter Les Angles, proche d’Avignon, où certains de ses camarades de jeux sont des Gitans qui l’initient à la guitare. En 1966 avec des amis, il interprète ses poèmes dans des cafés pendant le festival, devenant ainsi, pionnier du « off ».

Il fonde l’année suivante Le Théâtre du Chêne Noir, à l’origine réunion de jeunes musiciens qui accompagnent les poèmes qu’il écrit. Gelas dirige, en juillet 1968, dans une cave de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, alors à l’abandon, les répétitions de sa pièce, La Paillasse aux seins nus. Elle ne sera jamais jouée, frappée d’interdiction par le Préfet du Gard. De 1969 à 1971, il écrit et monte à Avignon dans un local de fortune, des spectacles d’une grande fraîcheur, riches d’inventions scéniques réalisés avec des moyens simples : Marylin, Sarcophage, OPÉRA-tion, puis Aurora créé au Théâtre du Soleil à l’invitation d’Ariane Mnouchkine. La chapelle Sainte-Catherine est, depuis 1971, son lieu d’implantation, indépendant du festival, en activité toute l’année. Il y crée ses propres textes ou ceux d’auteurs contemporains ou du répertoire, accueille de jeunes compagnies et les plus grands noms de la scène française. Ainsi, Le Chêne Noir devient-il un foyer de la création, où, de Léo Ferré, un proche de Gelas, à Steve Lacy pour le jazz, ou Philippe Caubère, des artistes créent à Avignon durant l’hiver. Gelas, qui se revendique « méditerranéen » crée dans les années 1970 : Miss Madona ; La Befana ; Chant pour le delta, la lune et le soleil ; Orphée 2000 ; Virgilio, l’exil et la nuit sont bleus et l’Orestie. Ce sont des œuvres de poète portées à la scène par un magicien des lumières. Avec lui, la dénonciation des conformismes et des abus de pouvoir trouvent toujours une expression scénique. A partir de 1983, sans renoncer à l’écriture : La Barque (1985), Noces de Sable (1991), Ode à Canto ( 1995), Guantanamour (2002) traduit dans de nombreux pays, Gelas met en scène Mishima, Fassbinder, Camus, Feydeau, Tchekhov, Weïss, Mirbeau, Molière, Haïm, Musset, Beaumarchais… Il adapte des auteurs tels : Yashar Kemal, Fernando Arrabal, René Depestre, Antonin Artaud, Frédéric Mistral… Sa compagnie, Le Chêne Noir, créée voilà plus de quarante ans, est restée fidèle à son ancrage avignonnais tout en faisant connaître ses créations bien au-delà des frontières françaises. Nombre des spectacles du Chêne Noir ont récemment dépassé les cent représentations : Effroyables Jardins de Michel Quint, Ode à Canto, Guantanamour… 

L’axe du Chêne Noir est toujours celui d’un théâtre d’Art populaire dans la filiation des deux maîtres que Gérard Gelas eut la chance de côtoyer : Jean Vilar et Roger Blin qui fut l’un des premiers à le découvrir.

Extrait du Dictionnaire du théâtre de Michel Corvin

GERARD GELAS -